Inde Le Point

Le point 281 - Juillet - Août 2020

Et en Inde la vie continue...

En octobre 2019 je me suis rendu en Inde comme bénévole pour Dentistes du Monde, et qu’est-ce qu’il est devenu difficile, entretemps, d’écrire à ce sujet, avec la déferlante Covid-19 qui a paralysé nos cabinets pendant de si longs mois, ébranlé toutes nos certitudes et planté des défis qu’il nous faut relever quotidiennement.

Mais peut-être, est-ce le moment aussi de penser à nos consœurs et à nos confères des pays émergents, qui aiment leur métier autant que nous et qui ont tout autant envie d’aider leurs patients.

Eux aussi font face à cette épidémie, souvent avec leurs seuls moyens du bord, parfois heureusement avec le soutien d’associations humanitaires comme Dentistes du Monde, qui existe depuis 1987 déjà.

Parmi les différents projets que soutient Dentistes du Monde (Inde, Bénin, Cameroun, Burkina Faso), leur coopération en Inde avec des écoles pour réfugiés tibétains (ils sont environ 150.000 à y vivre en exil) a été une des premières à avoir atteint un des objectifs que l’association s’était fixé : la formation de personnel local pouvant assurer la continuité des soins, au lieu de missions « One shot ».

Et cela fait 28 ans maintenant que cette collaboration avec ces écoles pour réfugiés tibétains existe, grâce entre autres aux nombreux bénévoles qui se sont succédés année après année pour apporter leurs conseils et leur expérience.

C’est dans cette optique (ainsi que pour livrer des dons de matériel reçus de deux généreux collègues) que je me suis rendu en octobre 2019 pour échanger mon expérience de parodontologue avec deux collègues tibétains (un dentiste, le Dr Tsering Kalsang, et une hygiéniste dentaire, Mme Dechen Lodoe) travaillant au sein de la Tibetan Homes Foundation (réseau d’écoles pour orphelins tibétains dans l’état de l’Uttarakhand).

Pas question de mettre des implants, évidemment, mais plutôt de remettre l’accent sur l’importance de la prévention en médecine dentaire (comme lors de chaque visite effectuée par les collègues volontaires qui m’ont précédé là-bas), ainsi que d’échanger mon expérience avec mon jeune confrère Tsering qui souhaitait apprendre à faire des extractions de type chirurgical, en particulier chez les adolescents souffrant de péricoronarites sur dents de sagesse semi-incluses.

C’est ainsi que je partis le 28 septembre pour deux semaines, directionMussoorie et Rajpur, à 300km au nord de Delhi, avec « Tintin auTibet » comme livre de chevet sous le bras...

Travailler avec des tibétains est un réel plaisir : ils ont un sens inné de l’organisation et de la prévision, et tout fut préparé dans les moindres détails par courriel et par Messenger avant mon arrivée à Delhi, où un responsable m’accueillit à 1 heure du matin à l’aéroport pour m’amener ensuite à leur Guest House. Courte nuit de 4 heures pour prendre ensuite le train de longue distance vers Dehra Dun soient 6 heures de trajet dans un gentil brouhaha à l’indienne. Le train arriva très ponctuellement et après avoir été chaleureusement accueilli par mes collègues (paumes jointes, mais sans tirer la langue comme les jeunes moines qui accueillirent le Capitaine Haddock...), nous prîmes la route à lacets qui menait à ma première destination, Mussoorie, sise à 2000m d’altitude dans les contreforts de l’Himalaya.

Le cabinet de Mussoorie est modeste, mais très propre et suffisamment équipé. Le compresseur fut récemment remplacé grâce au soutien de Dentistes du Monde, et surtout, le cabinet disposait de la RVG pour pouvoir effectuer des clichés radiographiques corrects. Nous nous mîmes rapidement au travail, et mon collègue commença à acquérir rapidement confiance en soi. Les élévateurs de Bernard que j’avais amené lui montrèrent vite qu’il ne faut pas toujours « sortir la turbine » pour extraire des racines, sans savoir que cette technique allait lui être particulièrement utile ultérieurement pendant cette épidémie... Et c’est aussi avec fierté que rapidement il fut capable d’extraire des dents de sagesse semi-incluses. Cet apprentissage lui permet dorénavant de ne plus devoir référer ces cas en ville, à une heure et demie de route de montagne.

La deuxième semaine fut consacrée à ma collègue Dechen Lodoe, hygiéniste dentaire à Rajpur, et qui connaît bien la Belgique pour y avoir fait un stage de 1996 à 1997 auprès du fondateur de Dentistes de Monde, Guido Poriau, à l’hôpital Brugmann. Les hygiénistes dentaires en Inde peuvent effectuer beaucoup de traitements. Elles ont aussi été les pionnières des traitements dentaires au sein de ces écoles, avant que des jeunes tibétains aient l’occasion de faire des études de dentisterie à l’Université. Avec Dechen et Tsering, nous avons eu l’occasion de rassembler une soixante d’enfants pour leur expliquer les raisons du brossage dentaire, ainsi que pour les mettre en garde contre les friandises sucrées achetées en rue et malheureusement très populaires en Inde.

Depuis, la Covid-19 est malheureusement passée par là. Les cabinets de la Tibetan Homes Foundation fonctionnent au ralenti, mais sont toujours ouverts pour pouvoir gérer les urgences dentaires auprès de cette jeune population. Avec ma collègue Sonja Depret, responsable de l’antenne en Inde, un coaching de nos collègues a été fait depuis la Belgique pour essayer de minimiser les risques d’infection au sein de ces cabinets ne comportant heureusement qu’un siège (importance de ventiler la pièce pendant et après les soins, importance de tout ranger dans des armoires, conseils en Atraumatic Restorative Treatment comme traitement provisoire). Des visières ont été bricolées, des cloisonnements ont été installés, des tabliers et des bavettes jetables ont été improvisés avec des sacs poubelles...

Heureusement, les cabinets disposaient de digues dentaires, souvent fournies lors de chaque visite par des volontaires de Dentiste du Monde. Cette année-ci, aucune visite par Dentistes du Monde ne sera sans doute possible, et ces cabinets risquent de se trouver à court de certains produits... Nos collègues tibétains devront se tourner vers des dépôts indiens pour s’approvisionner... et des choix douloureux risquent de devoir être faits car les ressources des réfugiés tibétains dépendent principalement de l’aide humanitaire internationale qu’ils reçoivent. Alors, si vous souhaitez aider ce peuple terriblement

attachant et malmené par l’histoire, et en attendant des tempsmeilleurs pour vous y rendre comme volontaire et découvrir ce peuple courageux, n’hésitez pas à soutenir l’antenne « Inde » de Dentistes du Monde.

Vos dons permettront d’acheter des produits sur place et assurer la continuité des soins dentaires dans ces écoles. Merci.

https://dentistesdumonde.be/Inde%20Octobre%202019

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IBAN : BE82 5230 8027 6568 Mention «Inde»

Contact: Sonja DEPRET

sonja.depret@gmail.com